mercredi 8 décembre 2010

THE WALKING DEAD - UNE SAGA SANS FIN ?

Aujourd'hui nous causerons bande-dessinée si vous le voulez bien ...
THE WALKING DEAD est un comic, publié depuis 2003 par Image Comics aux U.S.A. (chez Delcourt dans l'hexagone) et créé par Robert Kirkman. Au dessin, Charlie Adlard a vite succédé à Tony Moore, conservant un noir et blanc fortement contrasté, un choix chromatique qui renvoie bien sûr à LA NUIT DES MORTS-VIVANTS (1968) de George A. Romero, film fondateur du mythe moderne du mort-vivant anthropophage. 
Collant aux basques de Rick Grimes, simple policier plongé en plein apocalypse zombiesque au sortir d'un long coma et prêt à tout pour protéger sa femme, son fils et le groupe de survivants qui les accompagne de tous les dangers environnants, THE WALKING DEAD est né, de l'aveu même de Kirkman, d'une frustration. La frustration de voir une histoire s'arrêter bien trop tôt, de voir une poignée de survivants s'éloigner dans l'inconnu sans connaître la suite. La note d'intention est très claire : faire durer l'histoire de Rick aussi longtemps que possible, sans jamais lasser le lecteur.Treize tomes (12 en France) et sept ans plus tard, le pari semble remporté. Le succès est au rendez-vous et THE WALKING DEAD vient de confirmer son aura de classique moderne en émigrant avec panache sur petit écran (mais c'est une autre histoire) dans une série chaperonnée par Frank Darabont (THE MIST), Gale Ann Hurd (TERMINATOR) et ... Robert Kirkman en personne !
Le secret d'un tel engouement ? Les personnages, tout simplement. Autour de Rick, figure centrale imparfaite mais attachante, Kirkman développe une galerie de personnalités suffisamment variée et bien écrite pour s'assurer que l'identification du lecteur fonctionne à plein régime. Parmi les plus mémorables sont Glenn, un jeune asiatique casse-cou terrorisé par la solitude, Dale, un sexagénaire veuf et figure paternelle malgré lui, et Michonne, une jeune femme noire adepte du tranchage de zombie au katana et à la schizophrénie rampante. Ce ne sont que des exemples et la liste, si elle devait se montrer exhaustive, serait bien longue. Pour tous ceux qui n'ont encore jamais ouvert un seul tome de THE WALKING DEAD, je m'en voudrai de leur gâcher la découverte. Sachez seulement que le talent de Kirkman réside dans cette création permanente de personnages totalement crédibles parce que renvoyant chacun à tout un éventail de réactions humaines aussi compréhensibles qu'effrayantes. 
Que faire lorsque notre monde, lorsque notre civilisation s'écroule ? Jusqu'où sommes-nous prêt à aller pour survivre et proétger ceux que l'on aime ? Chacun des personnages, au travers de ses choix et de quelques monologues magnifiquement ciselés, apporte sa réponse à ces questions essentielles. Évidemment, peu importe leurs certitudes, tous finissent par se tromper à un moment ou à un autre avec des conséquences chaque fois un peu plus désastreuses. C'est la deuxième clé du succès de THE WALKING DEAD. Pour les amis de Rick, la survie n'est pas une garantie et les morts violentes et inattendues se succèdent avec une belle régularité. Résultat, le suspense est total et les cliffhangers sont imparables. On s'attache aux personnages et on VEUT savoir combien de temps ils parviendront à rester en vie. Et, cruauté de l'auteur oblige, plus longtemps ils survivent, plus leur humanité vacille, leur morale s'écroulant face à l'horreur de la situation et de ces actes auxquels ils sont contraints pour se protéger d'autres survivants qui n'hésitent pas à verser dans la barbarie (viol, meurtre, cannibalisme, infanticide, etc ...). La spirale de la violence semble sans fin et Robert Kirkman l'exploite dans un crescendo d'atrocités jamais gratuites mais ô combien révélatrices de la nature profonde des êtres humains en ce début de XXième siècle. Nous ne sommes que des créatures dont l'appétit pour un "ailleurs" et un "autre chose" semble aussi insatiable que douloureux. Il ne faudra que peu de temps au lecteur pour comprendre que le WALKING DEAD (littéralement le "mort qui marche" pour les anglophobes) du titre, ce ne sont pas les zombies mais bien les hommes, nous.
Et les zombies dans tout ça, au fait ? Rassurez-vous, chaque tome leur offre au minimum un morceau de bravoure gore digne des films de morts-vivants de George Romero et de Lucio Fulci. Et, cerise sur le gâteau, le papier et le talent d'un dessinateur ne coûtant pas grand chose, ceux qui rêvait de voir des hordes pourrissantes de zombies affamés défiler dans des panoramas de fin du monde seront aux anges. Autre respect à la tradition, les cadavres ambulants se déplacent ici avec une lenteur bienvenue et se divisent en deux groupes : les rôdeurs, toujours en quête de chair fraîche, et les chopeurs, toujours planqués en embuscade; Se faire piéger par un zombie dans THE WALKING DEAD a la valeur d'une mise en garde. Ne jamais se sentir en sécurité. Toujours rester alerte. Au final, Robert Kirkman ne se permet qu'une légère entorse qui, bizarrement, ne sera visible que dans le premier tome. Non content de s'attaquer aux humains, les morts-vivants sont ici prêt à dévorer de la chair animale (un cheval et un cerf en l'occurrence). Personnellement, je ne peux qu'être satisfait que cette touche d'originalité assez déplacée (balancer du gibier aux zombies suffirait alors à les éloigner le temps de s'en sortir - pas très malin si on veut créer du suspense) soit restée lettre morte par la suite. 

Les mots s'empilent et je me rends compte que je n'ai pas encore abordé l'aspect graphique de THE WALKING DEAD. Honte à moi ! Parlons tout d'abord de Tony Moore (BATTLE POPE - déjà avec Robert Kirkman ! - et FEAR AGENT). Tout fan de la série lui est redevable d'avoir mis en place la charte visuelle qui, malgré le changement de dessinateur un peu plus tard, ne sera pas vraiment perturbée. Un noir et blanc joliment contrasté et réaliste, naturaliste presque (on est loin d'un SIN CITY par exemple), un certain dépouillement dans les décors afin de garder les protagonistes au centre de toutes les attentions et des cadres dont l'immobilité parfois pesante change radicalement du tout venant de la production américaine. Il est ainsi fréquent de voir des successions de cases fixes, un procédé simple mais efficace pour marquer le temps qui passe et forcer le lecteur à ralentir son rythme. La principale caractéristique du style de Moore reste son travail sur la lumière et les visages. Lumière douce et hyper-esthétique dans les scènes de nuit et visages très expressifs et détaillés. Un trait chiadé. Dès l'épilogue du Tome 1, Charlie Adlard, dont le style est à rapprocher de celui d'un Mignola (HELLBOY) avec ses zones d'ombres plus marqués (et nettement plus flippantes dans les apparitions surprises de zombies planqués dans le décor) et ses visages un peu plus carrés, offre une transition en douceur mais indiscutable. A dire vrai, le changement est même salutaire avec le recul  tant le trait dur et cassant de Adlard s'accorde à merveille à l'odyssée cruelle de Rick Grimes telle que l'imagine mois après mois Robert Kirkman. Moore a créé l'imagerie, mais Adlard, plus important encore, l'a pérennisé. Inoubliable.

Vers quels horizons se dirige aujourd'hui THE WALKING DEAD ? A en croire les dernières pages du tome 12 (désolé, j'ai pas encore lu le 13 !!), vers un renversement des valeurs subtilement mis en place. Le danger, si souvent venu de l'extérieur pour Rick (les zombies et les autres) semble désormais surgir de sa propre initiative. Devenu paranoïaque, le personnage est sur le point de basculer et de prendre les armes, compromettant ainsi une sécurité (vraiment ?) retrouvée. Le twist, hautement psychologique, est de taille et promet de relancer l'histoire pour un long moment. Mais c'est un jeu dangereux que Robert Kirkman joue, plus il tarde à offrir un dénouement à sa saga, plus le risque, la certitude même, de décevoir s'impose. Sans fin THE WALKING DEAD ? Il faudra pourtant s'y résoudre un jour où l'autre .... 

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