mardi 28 décembre 2010

LE SOLDAT-DIEU (2010) DE KOJI WAKAMATSU - CRITIQUE

Durant la Seconde Guerre Mondiale, Kyuzo Kurokawa, militaire et mari brutal, revient du front chinois en héros. Horriblement mutilé après la perte de ses deux bras, de ses deux jambes et même de sa voix, il est placé sous la responsabilité de son épouse, la discrète Shigeko. A elle seule revient "l'honneur" de s'occuper du Soldat Dieu, comme tout le monde le surnomme. Et malgré son état, Kyuzo n'a rien perdu de sa malfaisance, ni de son appétit sexuel ...
Plein d'espoir suite au formidable coup d'éclat que représentait l'épique UNITED RED ARMY, je me suis précipité dans les salles (enfin, LA salle) pour profiter du dernier opus du très productif KOJI WAKAMATSU, devenu l'un des maîtres du pinku eiga avec des films tels que VA VA VIERGE POUR LA DEUXIEME FOIS et QUAND L'EMBRYON PART BRACONNER. 
Disons-le tout de suite, la déception est de taille. Passé le générique, constitué d'archives de guerre qui confrontent musique de propagande et dureté de la réalité, la laideur esthétique du prologue plombe l'enthousiasme. Dans un noir et blanc hideux (et sous-exposé à l'excès) et mal cadré, parasité par des flammes envahissantes rajoutées en post-production, on assiste au viol brutal de civiles chinoises par des soldats japonais. Cette scène, qui se voudrait viscérale et choquante, peine à susciter la moindre émotion chez le spectateur. Et tout le reste du métrage peut malheureusement se voir avec la même consternation. En dépit d'une poignée de plans qui rappellent que Wakamatsu a tout de même du talent (la majorité concernent en fait le "soldat dieu" du titre, homme-tronc fascinant et pathétique à la fois, symbole vivant de l'atroce politique militariste du Japon de la Seconde Guerre Mondiale), LE SOLDAT DIEU respire la paresse. Le tournage en DV, le montage sous lexomyl, la musique ronflante (un piano à la Joe Hisaichi quand on contemple la nature et un gros violon quand il faut pleurer - ça fait mal aux oreilles !) et le scénario qui tire à la ligne (il ne se passe VRAIMENT pas grand chose pendant 1h25) sont autant de tares qui viennent amoindrir un discours antimilitariste pas inintéressant pour autant (la guerre est une infirmité vorace qui n'a de cesse de dévorer consciences, couples, villages et nations). Koji Wakamatsu a un message à faire passer et on peut lui reconnaître le mérite de ne pas lâcher l'affaire jusqu'à la fin avec un épilogue pas vraiment transcendant mais néanmoins satisfaisant. Autre élément de consolation : l'interprétation. Shinobu Terajima (récompensée - très justement - à Berlin pour ce rôle) est magnifique en épouse courageuse, remplie d'amertume et faussement soumise. Et encore bravo à Shima Ohnishi qui dans le rôle titre, pourtant ingrat (pas de dialogue ou presque, pas de bras - qui a dit pas de chocolat ? - et pas de jambes, un lourd maquillage à porter sur la moitié du visage) fait des merveilles en faisant passer quantité d'émotions par la simple force de son regard.
Tout n'est donc pas à jeter dans LE SOLDAT DIEU, et j'espère sincèrement que le cinéaste japonais saura rattraper cet impair très vite. Si vous ne connaissez pas encore Wakamatsu, passez votre chemin ; ce film n'est pas la meilleure façon de découvrir son oeuvre. Si vous êtes un afficionado, vous saurez lui pardonner ses prétentions maladroites d'auteur pour festivalier bobo pour mieux saluer la sincérité du discours qui irrigue ce film bancal.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire