Format encore émergent, le blu-ray permet néanmoins de se constituer, déjà, quelques belles collections. Ainsi, une fois par mois, je tenterai de faire le point sur un cinéaste et sur l'état de sa filmographie sur le support haute-définition.
Pour commencer cette série, j'ai choisi David Fincher. Formaliste pointilleux et audacieux, perfectionniste souvent considéré par la critique et bon nombre de cinéphiles comme le seul héritier de feu Stanley Kubrick (avec lequel il partage surtout un sens de l'ironie assez cruel quant à la nature humaine), ses films gorgés de détails se prêtent tout particulièrement à une qualité de visionnage exigeante. Drôle de paradoxe, PANIC ROOM, son film le plus spectaculaire à ce jour , est le seul à être encore inédit sur galette bleue.
Sans plus tarder, passons les autres en revue :
1/ ALIEN 3 : le premier film de Fincher est uniquement disponible au sein du coffret Alien Anthology. La copie, très belle mais encore perfectible (ça pêche parfois un peu question définition et les noirs manquent de profondeur), comprend les deux montages. D'abord celui vu en salles, jamais approuvé par le réalisateur. Et ensuite, la version longue du coffret Quadrilogy de 2003, toujours pas approuvé par Fincher mais néanmoins plus proche de ses intentions initiales. Inutile de préciser que cette version est à privilégier avec ses storylines plus étoffés (le personnage de Golic, notamment, un prisonnier dément vénérant l'alien comme la Bête de l'Apocalypse) et son introduction moins elliptique que le montage cinéma. Aux rayons des suppléments, entre le commentaire audio (toujours pas de Fincher à l'horizon), la piste musicale isolée de Elliot Goldenthal, les galeries de photos et, surtout, un très long making-of qui revient sans détour (et sans censure cette fois-ci, contrairement à ce qui avait pu être constaté sur le DVD de 2003) tant sur la genèse du projet, que la première version que devait réaliser Vincent Ward (avec un concept très casse-gueule mais indéniablement original de planète/monastère en bois) ou encore le chaos rencontré par David Fincher lorsqu'il accepta avec une certaine candeur de reprendre les rênes du projet. Premier film, premières désillusions mais, à l'arrivée, une belle claque qui n'a pas à rougir, loin s'en faut, de la comparaison avec ses glorieux aînés signés par Ridley Scott et James Cameron. Un miracle? si on prend les comptes d'ubuesques conditions de production imposées par une major (la Fox) désorganisée, timorée et dépensière. Avec de telles bâtons dans les roues, Fincher livre un chef d'oeuvre. Mais ce n'est rien comparé à ce que le bonhomme livrera par la suite, totalement émancipé par un contrôle total sur ses projets.
2/ SE7EN : le joyaux noir de David Fincher. S'il ne devait rester qu'un seul film pour les fans du cinéaste (dont l'auteur de ces lignes fait partie, surprenant non ?), ce serait celui-là ! S'il manque toujours un making-of digne de ce nom (mais là, je pinaille), le blu-ray sortie récemment EST l'édition définitive de SE7EN. L'image et le son restituent à la perfection l'expérience traumatisante que constitue le film, sommet toujours inatteignable du film de serial-killer. Goodies anecdotique mais néanmoins appréciable, les mini-comics livrés dans le coffret blu-ray et signés de différents artistes (Tommy Castillo, Jason Craig et Lelf Jones, entres autres) reviennent en détail sur les "oeuvres" de ce taré de John Doe en se concentrant sur le déroulement de chacun des meurtres. Pour ce qui est des bonus, tout ce qui a déjà été vu et entendu sur les supports précédents est ici repris en intégralité et se révèlent dignes d'intérêt; L'alpha et l'oméga de la carrière de David Fincher continue de gagner, vision après vision, son statut de classique immortel.
3/THE GAME : difficile de passer après SE7EN et, à tort malheureusement, THE GAME continue d'en faire les frais. Après un "collector" plutôt anémique paru il y a trois ans en DVD (mais qui bénéficiait d'une copie soignée et d'un commentaire audio instructif), le blu-ray fait un grand saut en arrière en offrant une édition vierge de suppléments et à la copie juste passable. A peine un DVD amélioré en fait. Si le complétiste ne fera pas l'impasse sur ce disque, on ne peut s'empêcher de crier au foutage de gueule pur et simple. Peu défendu par la critique (exception notoire du magazine Positif qui publia à la sortie du film une critique analytique et passionnante, mettant l'accent sur la complexité insoupçonnable de ce thriller ludique) et n'ayant pas vraiment ébranlé le box-office, ce troisième long-métrage a toujours manqué de l'attention qu'il mérite. Ironique, merveilleusement bien joué (mention à Michael Douglas dans une prestation glaciale) et moins couillon qu'il en a l'air malgré son twist final très "Surprise ! Surprise !", THE GAME est une fable réussie sur l'illusion et la vanité du pouvoir.
4/FIGHT CLUB : comme dirait John Doe en personne, "pour que l'on vous écoute, il faut frapper à grands coups de marteaux !". Sans doute vexé par l'échec de THE GAME, David Fincher adapte le roman néo-punk de Chuck Palahniuk et livre un brûlot contestataire volontairement destiné à faire hurler les ligues de critiques coincés du cul. Nihiliste à souhait, FIGHT CLUB dresse un portrait cynique du fantasme moderne de la révolution. L'humanité est folle, totalement irrécupérable semble t-il nous dire. Pour visionner cet ORANGE MECANIQUE revue et corrigé, il n'y a pas trente six éditions et c'est tant mieux ! Le blu-ray français, engoncé dans un nouveau packaging de très mauvais goût, a la bonne idée d'exhumer une poignée de commentaires audio jadis perdus dans la traversée de l'Atlantique pour le DVD zone 2 et d'ajouter quelques gourmandises inédites dont un amusant retour sur l'aura culte du film lors d'une cérémonie de remise de prix. Délicieux.
5/ ZODIAC : ce projet, des plus personnels (gamin, Fincher, qui vivait à San Francisco, fut témoin de l'agitation et de la paranoïa causée par les agissements du tueur du Zodiaque), est celui du renouveau. Formellement démonstratif sur FIGHT CLUB et PANIC ROOM, le cinéaste vise désormais à la simplicité. Dans le personnage de Graysmith, dessinateur pour le San Francisco Chronicle et personnalité obsessionnelle, le cinéaste se trouve un double parfait à l'écran. Tout est affaire de détails, toujours. La fresque policière est ambitieuse et la reconstitution d'un fait divers étalé sur plus de vingt ans est minutieuse. Tout comme l'image du blu-ray et ses bonus qui s'attachent à décrire la somme de travail investie. Le film, tourné en haute-déf' était destiné à ce support et se paie en outre le luxe d'être présenté dans son montage intégrale. Un director's cut plus long de six minutes environ dont l'apport le plus mémorable est un long fondu au noir, une transition sonore incroyablement subtile.
6/ L'ETRANGE HISTOIRE DE BENJAMIN BUTTON : il y a les pour et il y a les contre. Pour ma part, je suis un inconditionnel. Conte à forte teneur émotionnelle, love-story délicate et duo de stars glamour, (Cate Blanchett et Brad Pitt pour sa troisième collaboration avec le réalisateur) ... BENJAMIN BUTTON est, en apparence du moins, le film le plus ouvertement commercial, tout public et oscarisable de David Fincher. Mais les apparences sont trompeuses et ici, nulle trace de cynisme. Comme il l'explique dans une introduction filmée, Fincher entretient un rapport tout à fait intime avec le film. Touché par la mort de son père, le cinéaste transforme son histoire d'amour "forcément" bouleversante en un regard lucide et délicat sur ... la mort. En lieu et place d'une fable fantastique (technologiquement bluffante), BENJAMIN BUTTON est en réalité une longue et douloureuse oraison funèbre. Techniquement impeccable (mais on commence à avoir l'habitude), le blu-ray se distingue par un long making-of exhaustif mais un peu académique tout de même.
Et la suite ? Si THE SOCIAL NETWORK est annoncé pour début 2011 avec un contenu encore mystérieux, PANIC ROOM joue les retardataires et n'apparaît sur aucun planning. Espérons seulement que la totalité des bonus du collector 3 disques pantagruélique sera de la partie ...
Rendez-vous le mois prochain avec ... Christopher Nolan !
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