lundi 3 janvier 2011

HARRY BROWN (2009) - CRITIQUE

Il aura fallu attendre presque deux ans pour que HARRY BROWN traverse la manche. Sur les écrans britanniques en novembre 2009, il atterri enfin dans l'hexagone le 12 janvier 2011. Auréolé d'un beau succès public ET critique, le (premier) film de Daniel Barber aurait pu et dû sortir bien plus tôt si ce n'est pour son sujet (la délinquance juvénile et la violence des banlieues de grandes villes - ici Londres), tabou social et médiatique dans notre belle contrée. Vu obligatoirement comme le sous-produit d'une morale réactionnaire et droitière, le vigilante movie n'a pas bonne presse en France. Et HARRY BROWN est un vigilante movie dans la grande tradition. Noir, violent, sans pitié pour les criminels. Le genre de film qui alimente les débats entre le pour et le contre.
Septuagénaire, ex-marine et fraîchement veuf, Harry Brown (Michael Caine) est un homme qui a peur. Depuis les fenêtres de son appartement, niché en plein milieu d'une cité dortoir étouffante, il observe la violence qui, chaque jour un peu plus, s'étend comme un cancer. Lorsque son seul ami, Leonard, est retrouvé battu à mort et poignardé, Harry, lassé de l'impuissance des policiers, reprend les armes et entame une vendetta sanglante, ...
Mis en scène avec simplicité et réalisme, le drame de ces vies brisées par une haine et une violence gratuite prend à la gorge dès les premières minutes. HARRY BROWN, dans son premier acte, passerait presque pour un film d'horreur avec son passage souterrain perpétuellement plongé dans les ténèbres, source de toutes les craintes pour le personnage principal et théâtre d'actes terrifiants (dont le meurtre éprouvant d'un vieil homme à bout) et son atmosphère nocturne et claustrophobe. Les "méchants" sont ainsi assimilés à des prédateurs, des monstres qui n'attaquent pas au nom d'une quelconque cause mais parce que telle est leur bon plaisir, pour tromper leur ennui. La caméra les filme d'ailleurs à plusieurs reprises comme des créatures nocturnes attaquant en meute ceux qui ont le malheur de croiser leur chemin. Ce mal à l'état pur devient tout autant une réalité que la misère sociale ambiante, l'un et l'autre se nourrissant dans un cercle vicieux inconfortable et impossible à stopper. 
Là-dessus vient se greffer la vengeance de Harry Brown, répréhensible en soi (meurtre de sang-froid, torture) mais pourtant ... nécessaire. Car, qu'on ne s'y trompe pas, ceux qu'il combat n'ont, au fond, plus rien d'humain. Cette violence à laquelle on cherche des excuses, des explications, des étiquettes, a perdu, finalement, toute raison d'être. Ne pas l'admettre, détourner le regard, revient à une faiblesse. Et les faibles se font dévorer. Une vérité tragique, dure à avaler, mais présentée ici avec une logique implacable. 
Dans sa dernière bobine, HARRY BROWN montre, dans un parallèle tétanisant, la retraite progressive et forcée de policiers débordés par des émeutiers qui attaquent par le feu des cocktails molotovs et l'obstination d'un vieil homme aux portes de la mort, armé d'un seul calibre et de son courage face à un adversaire bien supérieur. Quand le système, lassé par un combat qu'il ne comprend pas, baisse les bras, il appartient à l'homme de la rue de poursuivre le combat, en se montrant aussi redoutable que son ennemi s'il le faut. Ce constat fait peur et ne manquera pas de choquer. On criera à l'exagération et à la justification de la justice individuelle mais HARRY BROWN pose la question en termes très simples : dos au mur, quels sont nos choix ? Harry Brown est peut-être un héros, mais ce n'est pas un super héros. Il évolue dans le monde réel et fait ce qu'il estime être juste. Sans tambours ni trompettes. Triste, solitaire, pas très fier de son instinct de tueur, il traîne ses doutes comme tout un chacun et est parfaitement conscient de la portée de ses actes. Il en accepte les conséquences, c'est ce qui fait toute la différence.
HARRY BROWN fait mal, émeut, remue les tripes. Magnifié par un casting bouleversant (Michael Caine et Emily Mortimer en tête), il nous force à ouvrir les yeux sur une réalité dont on préfère se détourner, que l'on préfère nier. Impossible après un tel film de ne pas se poser des questions difficiles. Comprenez-moi bien, on ne regarde pas un tel film en applaudissant à chaque coup de feu, à chaque criminel puni. Au contraire, on est pas loin de pleurer pour chaque vie perdue puisque tout ce sang versé symbolise, quelque part, l'échec de notre civilisation. Immanquable !

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